Points de vue

Faut-il atteindre la perfection ou l'excellence ?

Rédigé par Elsa Cénier | Mercredi 15 Février 2017 à 11:00



La société moderne dans laquelle nous vivons exige de nous toujours plus de performance, de vitesse et de productivité. Ainsi, l’homme est transformé en opérateur mécanique qui, s’il est usé, est jeté au rebut. L’homme est poussé en permanence au perfectionnisme, à être une machine bien huilée qui reproduit sans cesse les mêmes gestes, sans jamais faire d’erreur. Mais l’être humain est, par nature, imparfait.

Qu’est-ce donc que le perfectionnisme ? C’est un trait de personnalité qui mène beaucoup d’hommes et de femmes vers un mal-être psychologique. Il consiste à vouloir être parfait, être le meilleur dans chaque domaine que l’on aborde. Vu sous cet angle, cela paraît à l’évidence comme une qualité, car qui aime faire des erreurs ? Il est notable, cependant, que l’erreur volontaire ou involontaire est source d’enseignements et apporte beaucoup à celui qui la commet.

C’est par les essais et erreurs que l’enfant apprend à marcher ; il se met debout, chute, puis se remet debout. De même, à l’école, c’est par les exercices que l’enfant réussit à comprendre les concepts et donc par le biais de réussites et d’échecs. L’être humain lorsqu’il apprend, et donc lorsqu’il est sur le chemin vers Dieu, connait des réussites mais aussi des erreurs dont il doit tirer partie. Et Dieu est Le Clément, Le Tout-Compatissant, Le Pardonneur.

Comment donc pourrions-nous être intransigeants envers-nous même alors que Dieu est le Grand Accueillant au repentir et qu’Il « n’impose rien à l’âme qui soit au-dessus de ses moyens ».   

Les conséquences du perfectionnisme

Les conséquences du perfectionnisme peuvent être multiples, se manifester à différents degrés selon les personnes, sur leur équilibre psychique et sur leur comportement, et être plus ou moins handicapantes, telles que :

- La peur de l’échec (menant souvent à une procrastination c’est-à-dire la tendance à remettre sans cesse les choses à faire au lendemain) ;
- Le regret d’avoir raté sa chance, un sentiment d’échec ;
- Un respect de soi-même ébranlé ;
- Une inhibition devant l’apprentissage de choses nouvelles (entraînant une répression de la créativité, dans le travail et les projets personnels) ;
- Une frustration et un dégoût de soi-même résultant du refus de se satisfaire d’une honnête réussite ;
- Des tentatives désespérées de s’évaluer à travers l’amour, la reconnaissance, l’approbation et l’admiration de ses proches, de ses amis.

A travers ces conséquences, on comprend à quel point elles peuvent être antinomiques d’un cheminement serein vers Dieu. L’individu perfectionniste peut être davantage freiné dans ses œuvres pour Dieu qu’il n’est poussé vers elles. Voyons quelles attitudes, au contraire, seraient plus proches d’un cheminement apaisé :

- L’acceptation de l’échec lorsqu’il arrive ;
- Accepter de rater des occasions en étant certain que celles-ci ne nous étaient pas destinées (sans être défaitiste à l’avance) ;
- Respecter et reconnaître les qualités que Dieu a mises en nous ;
- Apprécier nos réussites (sans pour autant se reposer sur celles-ci, et en remerciant Dieu de Son bienfait) ;
- Chercher l’Amour et la Satisfaction de Dieu dans ses actions.

Le cheminement vers Dieu se rapproche ainsi davantage d’une quête de l’excellence que d’une recherche de la perfection. L’excellence est la capacité de l’être humain à donner le meilleur de ses possibilités dans ses actions au quotidien. Alors que la recherche de la perfection incite l’Homme à se prétendre parfait et donc en position de force ; la recherche de l’excellence l’incite à reconnaitre ses limites, à être humble de sa personne. On constate que c’est donc cette dernière attitude qui est celle que nous devons avoir vis-à-vis de Dieu et des créatures.

Pour faire barrage à cette tendance au perfectionnisme, il faut s’accepter comme susceptible de commettre des erreurs et accepter sa nature imparfaite.

Vers l’acceptation de soi

S’accepter ne signifie pas se contenter de ses défauts, faiblesses et passions. Cela signifie reconnaître ses qualités comme ses défauts. Reconnaître ses qualités pour le fait que ce sont des bienfaits que Dieu nous a accordé. Dans Son Infinie Bonté, Il a donné à chacun de nous des aptitudes, des « dons » que nous devons exploiter et pour lesquels il est nécessaire de le remercier.

Cela ne signifie pas non plus que nous ne devons pas faire de reproche à notre ego. Au contraire, l’éducation de l’ego passe par la remise en question régulière de notre comportement, mais sans que cela ne devienne paralysant.

Dans nos efforts pour nous améliorer, il faut cesser de concevoir nos actions selon une vision binaire réussite/échec. Une réussite peut être satisfaisante et apporter beaucoup de joie même si elle n’est pas parfaite. Tandis que pour le perfectionniste, réussite veut dire perfection ; pour la personne en recherche d’excellence, la réussite signifie faire de son mieux et en retirer de la satisfaction. N’oublions pas que quelles que soient les circonstances, le perfectionniste ne sera jamais satisfait.

N.B. : Lecture intéressante sur ce sujet : Steven J. Hendlin, Les pièges de la perfection, édition Anne Carrière, 1993.

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Elsa Cénier est psychologue. Première parution de l’article sur le site de Participation et spiritualité musulmanes.